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Gestion des Attentes

Gestion des Attentes, Communication Ă  Distance et Limites Personnelles dans un Projet Artistique Collaboratif

Compétence(s) principale(s) illustrée(s) : Cette expérience a particulièrement mis à l'épreuve et permis de réfléchir aux compétences A2 (Anticiper et gérer les divergences), A6 (Communiquer et négocier efficacement), et C1 (Identifier et interagir avec les parties prenantes et leurs attentes). Elle soulève également des questions sur la valorisation du travail et la gestion des limites personnelles.


I. Introduction et Contexte du Projet

Au cours des derniers mois, j’ai vécu une situation particulièrement intense liée à un projet artistique d’envergure réalisé en collaboration avec un collectif dont je faisais partie depuis plusieurs années. Mon rôle technique principal était le développement d'un code conséquent – environ huit mille lignes – destiné à contrôler des moteurs via artnet et une interface web, pour l'installation phare de notre collectif. L'importance de ce projet était considérable pour le groupe. La complexité est née de la superposition d'une phase critique du projet avec un voyage de ski que j'avais déjà programmé, un déplacement essentiel pour renforcer une relation client.

II. Situation (Préparation, mon absence, mon retour sur site)

Mon idée était de tout préparer méticuleusement à l’avance pour pallier mon absence physique partielle. J'avais donc fourni une documentation détaillée, mis en place un système de log performant, et donné des indications claires pour le câblage et l’alimentation électrique. Mon intention était que l’équipe puisse s’en sortir et faire fonctionner le système même sans ma présence constante sur site.

Pendant que j’étais en déplacement pour ce voyage de ski à vocation professionnelle, la tension est montée au sein du collectif. Plusieurs membres travaillaient sur place dans des conditions difficiles, souvent dans le froid et tard le soir. Ils se sont sentis quelque peu « abandonnés » du fait de mon absence, malgré la préparation que j'avais effectuée. Lorsque je suis finalement venu sur site pour aider, j’ai découvert un contexte très tendu : certains câbles avaient été mal branchés, une carte mère de moteur s'avérait défectueuse, et surtout, des discussions acrimonieuses ont éclaté concernant mes horaires de présence.

III. Problème(s) / Défi(s) Rencontrés

La divergence d'attentes concernant la notion même d'engagement et de responsabilité s'est révélée être le problème central. Pour moi, ma tâche était accomplie dès lors que le système fonctionnait techniquement, grâce à ma préparation en amont. Cependant, mes collègues attendaient davantage une validation symbolique et émotionnelle : ils souhaitaient que je reste physiquement présent avec eux jusqu'à tard dans la nuit, voire 6 heures du matin comme cela avait été le cas sur un précédent projet, partageant ainsi l'effort, la fatigue et les émotions liées au succès final. Mon départ, même s'il intervenait après que le système ait été fonctionnel de mon point de vue, était perçu comme une rupture implicite de solidarité, donnant l'impression que je n'étais pas pleinement engagé émotionnellement. Ils avaient le sentiment de porter la fatigue et le stress seuls, alors que je paraissais plus « détaché ». Avec le recul, certains comportements passés du groupe, comme le fait que tout le monde restait tard et était physiquement là, même sans participer activement à une tâche technique, auraient pu être des indicateurs de cette attente de présence comme forme de participation et d'engagement. Mes communications orales préalables avec le chef du collectif sur mes disponibilités, qui me semblaient claires, ont probablement été perçues par lui comme un strict minimum, et mon départ pour le ski a pu être mal interprété.

La communication et la perception de mon travail ont également constitué un défi majeur. J'ai senti un manque de validation et une incompréhension de la quantité d’efforts que j'avais fournis en amont sur le code et la documentation. Il était difficile de faire comprendre que mon voyage de ski n'était pas de simples vacances, mais un rendez-vous professionnel important. De plus, ma communication technique à distance, lorsque par exemple j'ai signalé via notre discussion de groupe que le moteur 20 ne fonctionnait pas et qu'il fallait le débrancher et le rebrancher (suite à une notification de problème USB pendant que je skiais), a pu être perçue comme trop directive, d'autant qu'elle n'a pas suscité de réaction immédiate.

Enfin, la gestion de mes limites personnelles face à la pression du groupe a été un enjeu. J’avais prévenu que je ne resterais pas jusqu’à une heure du matin en raison d'un planning surchargé (projets pilotes à gérer, examens approchant). Malgré cela, on a essayé de m’imposer de prolonger ma présence. J’ai tenu bon sur le principe, même si je suis resté plus tard que ce que j'avais initialement annoncé.

IV. Ressources Mobilisées

Mes principales ressources ont été mes compétences techniques (développement du code, documentation, système de log) et ma capacité à communiquer mes limites, même si cette communication a été difficile à faire accepter. La préparation en amont visait à rendre l'équipe autonome. Finalement, l'intervention d'un autre membre du collectif, qui a réussi à reconfigurer le système après le chaos provoqué par un reset du routeur, a indirectement prouvé la fonctionnalité et la robustesse du code que j'avais développé.

V. Actions Mises en Place (par moi)

En amont du montage final, j'ai consacré un temps considérable au développement du code et à la création de supports pour faciliter le travail de l'équipe en mon absence. J'ai également communiqué oralement mes disponibilités et mes contraintes au chef du collectif. À mon retour sur site, face à la tension et aux problèmes techniques, j'ai aidé au diagnostic et à la résolution. J'ai tenté d'expliquer calmement pourquoi je ne pouvais pas rester au-delà d’une certaine heure, arguant que j’avais déjà dépassé mes limites, que ma santé commençait à en pâtir, et que j'avais d’autres engagements cruciaux. Je suis resté jusqu’à 22 h 30, alors que j’avais initialement annoncé 21 h, mais je n’ai pas cédé à la pression de veiller toute la nuit.

VI. Résultats Obtenus (et Écarts)

Sur le plan technique, le système a finalement été rendu fonctionnel, en grande partie grâce au code que j'avais préparé et à l'intervention d'un autre membre pour la reconfiguration finale après un reset malencontreux du routeur 4G et le retrait de la carte SIM par une personne du groupe après mon départ. Cependant, sur le plan relationnel, le résultat a été une forte tension, un sentiment d'incompréhension mutuelle profond, une certaine agressivité à mon égard et un manque de reconnaissance de mon travail. Le "clash nocturne" a marqué cette phase. Pour moi, le principal résultat a été une grande frustration, un besoin de reconnaissance non satisfait, et une prise de conscience aiguë des attentes implicites du collectif. L'écart majeur réside dans le fait que ma préparation technique exhaustive n'a pas suffi à compenser l'attente d'une présence physique continue et d'un engagement émotionnel partagé, surtout lorsque des difficultés sont apparues en mon absence.

VII. Réflexion Approfondie et Apprentissages (Regards Réflexifs)

VIII. Mise en Perspective et Prochaines Étapes

Cette expérience, bien que difficile et source de tensions, est une leçon précieuse sur la complexité des projets collaboratifs, particulièrement dans des contextes créatifs où les attentes émotionnelles et symboliques peuvent surpasser les considérations purement techniques. Pour l'avenir, je serai beaucoup plus proactif dans ma communication. J'envisage d'organiser des "checkpoints réguliers" et des "démos finales" claires avant toute absence ou phase critique pour assurer l'alignement et la compréhension mutuelle au sein de l'équipe. Il sera également crucial d'expliquer plus en détail et de manière plus accessible mes contraintes et la nature de mes engagements externes.

Je dois continuer à travailler sur ma communication (A6) pour qu'elle soit à la fois limpide sur le plan technique et sensible aux dynamiques relationnelles du groupe (A2, C1). La réflexion sur la licence du code, envisageant un modèle open source à but non commercial avec royalties pour un usage professionnel, est une piste que j'explore. Ce n'est pas seulement une question de protection de mon travail, mais aussi un moyen de réaffirmer sa valeur et d'établir des cadres plus clairs pour de futures collaborations. C'est une leçon de plus sur la façon de mener un projet ambitieux où la reconnaissance mutuelle, l’anticipation des limites de chacun et une communication transparente sont essentielles pour éviter qu'il ne se transforme en catastrophe relationnelle.